Numéro |
Ann Toxicol Anal
Volume 14, Numéro 1, 2002
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Page(s) | 83 - 89 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ata/2002044 | |
Publié en ligne | 8 avril 2009 |
Conduites addictives en milieu hospitalier : particularités d'un service d'anesthésie
Is there a specific addiction to drug in the anaesthetist population ?
Institut de Médecine Légale, 11, rue Humann - 67000 STRASBOURG
Reçu :
1
Février
2002
Accepté :
8
Février
2002
Parmi les risques professionnels encourus par le personnel (médecins, infirmières) des services d'anesthésie, on cite fréquemment la transmission virale ou les allergies dues au latex ou à l'halothane. Plus sournois, plus discret et tellement moins médiatique, le risque de détournement de substances actives est une donnée difficilement quantifiable mais dont les conséquences dépassent largement le cadre hospitalier, comme en témoigne le retentissement judiciaire croissant. Les produits les plus souvent utilisés sont la morphine, le propofol, la kétamine, le thiopental, les dérivés du fentanyl et le midazolam, soit l'arsenal thérapeutique standard de ces services, à l'exclusion des curarisants, jugés trop dangereux. Les signes faisant évoquer une dépendance chimique sont les suivants : sujet prenant les gardes des autres, en particulier le week end lorsque la surveillance se relâche, sujet ne prenant pas son repas de midi, sujet toujours volontaire pour finir les interventions des autres, sujet se rendant plus souvent aux toilettes que le reste du personnel, sujet travaillant ou souhaitant travailler pour des services très consommateurs en morphiniques comme la chirurgie thoracique, l'ensemble étant associé à une modification du comportement (isolement, somnolence, diminution des échanges verbaux ...). Si la recherche d'une solution en interne est souvent proposée, d'autres cas, en particulier lors de vols à répétition, ont des conséquences judiciaires. L'analyse toxicologique est alors confrontée à 2 types de problèmes, les propriétés pharmacologiques de ces produits et les difficultés analytiques pour les caractériser. En effet, il s'agit souvent de produits à 1/2 vie courte, voire ultra-courte et dont les concentrations circulantes sont extrêmement faibles. Dans ces conditions, le laboratoire doit disposer des techniques séparatives les plus sensibles, comme la CG/SM/SM ou la CLHP/SM. Fréquemment les analyses sanguines et/ou urinaires sont prises en défaut. L'analyse des cheveux montre alors son intérêt, en augmentant la fenêtre de détection de quelques jours à plusieurs mois, selon la longueur des cheveux analysés (chaque cm représente la pousse d'environ 1 mois), tout en étant le reflet d'un abus à long terme. Par quelques exemples (infirmière décédée d'un mélange propofol-midazolam, médecins anesthésistes abusant de fentanyl, sufentanil, alfentanil, codeine, ou encore de midazolam) les auteurs feront le point sur les risques de toxicomanie chez le personnel hospitalier, les pratiques en terme de produits et enfin sur les approches analytiques, associant l'analyse des cheveux aux couplages chromatographie/spectrométrie de masse.
Abstract
Chemical dependency is a disease that can affect all professions. Among the health care professionals, anesthesiologists represent a specific group. Numerous factors have been proposed to explain the high incidence of drug abuse among anesthesiologists. These include : easy access to potent drugs, particularly narcotics, highly addictive potential of agents which they are in contact, and easy diversion of these agents since only small doses will initially provide an effect desired by the abuser. Opioids are the drugs of choice for anesthesiologists, and among them fentanyl and sufentanil are the most commonly used. Alcohol, mostly in older anesthesiologists, propofol, ketamine, thiopental and midazolam are also abused. In fact, all but quaternary ammonium drugs can be observed. Symptoms of addiction in the hospital include : unusual changes in behavior, desire to work alone, refuse of lunch relief or breaks, volunteer for extra cases, call, come in early and leave late, frequent restroom breaks, weight loss and pale skin, malpractice, behind on charts ... Toxicological investigations are difficult, as the drugs of interest are difficult to test for. In most cases, half-lifes of the compouds are short, and the circulating concentrations weak. It is therefore necessary to develop GC/MS/MS or LC/MS procedures to satisfy the criteria of identification and quantitation. In most cases, blood and/or urine analyses cannot document impairment. Hair analysis appears therefore as the unique choice to evidence chronic exposure. Depending the length of the hair shaft, it is possible to establish an historical record, associated to the pattern of drug use, considering a growth rate of about 1 cm/month. Several real cases (nurse deceased from a propofol/midazolam mixture, anesthesiologists abusing fentanyl, sufentanil, alfentanil, codeine or midazolam) will document forensic investigations. The authors will then focus on the special place of hair analysis, associated to the more hyphenated analytical techniques.
Mots clés : addiction / anesthésie / fentanyl / cheveux
Key words: addiction / anesthesiologist / fentanyl / hair
© Société Française de Toxicologie Analytique, 2002