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Ann Toxicol Anal
Volume 16, Number 1, 2004
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Page(s) | 76 - 84 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ata/2004027 | |
Published online | 19 March 2009 |
Ayahuasca : liane de l'âme, chamanes et soumission chimique
Ayahuasca : spirit liana, shamans and chemical submission
Laboratoire d'Expertises TOXLAB, 7, rue Jacques Cartier - 75018 Paris
Reçu :
30
Janvier
2004
Accepté :
10
Février
2004
Les plantes hallucinogènes sont utilisées dans les sociétés primitives depuis des siècles, mais jusqu'à maintenant leur usage se limitait à quelques individus chamanes, médecins-sorciers, etc... lors de rites religieux. Actuellement un regain d'intérêt est constaté pour les hallucinogènes naturels en rapport avec un mouvement de « retour à la nature » car la diffusion de ces substances est depuis peu largement facilitée et accélérée par l'intermédiaire d'internet. Parmi celles-ci l'Ayahuasca est la plus connue. Il s'agit d'un mélange de plusieurs plantes du nord-ouest de l'Amérique du Sud. Pour sa préparation, deux espèces de Banisteriopsis, liane géante, sont particulièrement importantes et sources de β-carbolines (harmaline, harmine, tétrahydroharmine et harmol qui sont des hallucinogènes naturels). Généralement une autre plante est ajoutée afin de modifier l'intensité, la durée et les effets des β-carbolines. Cette autre plante varie selon la région géographique et renferme plutôt des principes actifs riches en dérivés de la tryptamine, telle que la Psychotria Viridis qui contient principalement de la diméthyltryptamine (DMT) aux propriétés hallucinogènes. L'utilisation par les indiens d'Amérique du Sud d'une autre plante, la Virola, contenant des dérivés de la DMT sera également développée ici. La mise en évidence directe des principes actifs hallucinogènes peut être réalisée par dilution au demi de la solution à analyser dans de l'éthanol, puis la détection et la quantification peuvent être réalisées au moyen de la chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse. La détection et la quantification dans le plasma humain des carbolines peut s'effectuer par chromatographie en phase liquide haute performance après précipitation des protéines plasmatiques et une détection par fluorescence. La DMT peut être dosée dans le plasma par chromatographie en phase gazeuse avec une détection azote-phosophore après extraction liquide-liquide par le chlorobutane à pH basique, ou par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG/SM). L'association de ces substances provoque une profonde altération de l'état de conscience. Il y a peu d'altération de la perception réelle de l'environnement hormis quelques améliorations des fonctions sensorielles générales. Après une période de vertige, de nausées, de nervosité, de transpiration et de manifestations digestives parfois violentes, l'ingestion d'ayahuasca entraîne des hallucinations sensorielles diverses suivies d'une période de lassitude ; il s'installe ensuite parfois un sommeil fiévreux, entrecoupé de rêves. Les risques liés à l'utilisation d'un hallucinogène aussi puissant que l'ayahuasca, outre l'interaction avec les antidépresseurs sérotoninergiques, sont essentiellement d'ordre psychologique : elle peut être un important facteur de déstructuration psychologique. Elle autorise également une forme de soumission chimique des adeptes par les responsables des sectes. C'est pourquoi le ministère de la santé publique français à classé la DMT et ses dérivés comme produits stupéfiants.
Abstract
Hallucinogenic plants are used in the primitive societies for centuries, but so far they were only used by some shamans, healers, etc. during religious rites. Nowadays a renewal of interest is noticed for natural hallucinogens in connection with a return-to-nature movement because the spreading of these substances has been recently more easier and increased through internet. Among these hallucinogens, Ayahuasca is the most well-known. Ayahuasca is a mixture of several plants from the northwest of South America. For its preparation, two sorts of Banisteriopsis, giant liana, are particularly important and sources of β-carboline alkaloids (harmaline, harmine and tétrahydroharmine, harmol which are natural hallucinogens). Generally, another plant is added to modify intensity, duration and effects of β-carbolines. This natural additive varies according to the region and contains predominantly active principles, rich in tryptamine's metabolites, such as Psychotria viridis which contains mainly dimethyltryptamine (DMT) with hallucinogenic properties. The use by the Indians of South America of another plant, Virola, containing by-products of the DMT will be also developed here. The direct analysis of the hallucinogenic active principles can be realized by a half and half dilution in ethanol, then detection and quantification can be realized by gas chromatography coupled with a mass spectrometer (CG/MS). Detection and quantification of carbolines in human plasma can be done by means of high-performance liquid chromatography (HPLC) with fluorescence detection after blood proteins precipitation. DMT can be determined in plasma by gas chromatography with selective nitrogen - phosphorus or mass spectrometer detection following liquid - liquid extraction with chlorobutane at alkaline pH. This carbolines and DMT association generate a deep change of the consciousness state. Only a few changes of the perception of the environment are observed, but some improvements of the general sensory functions occur. After a period of dizziness, sickness, nervousness, perspiration and sometimes violent digestive symptoms, the ingestion of ayahuasca provokes different sensory hallucinations followed by a period of tiredness ; then sometimes a feverish sleep settles down, interrupted with dreams. Besides interaction with serotoninergic antidepressants, the risks related to the use of such a powerful hallucinogen as ayahuasca, are essentially psychological : it can led the mind to become destructured. It also authorizes a kind of chemical submission of the followers by sects responsibles. That's why the French ministry of health classified the DMT and its byproducts as narcotics.
Mots clés : ayahuasca / hallucinogènes / diméthyltryptamine / béta-carbolines / chamanes / soumission chimique
Key words: ayahuasca / hallucinogenics / dimethyltryptamine / beta-carbolines / shamans / chemical submission
© Société Française de Toxicologie Analytique, 2004