Numéro |
Ann Toxicol Anal
Volume 23, Numéro 1, 2011
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Page(s) | 1 - 5 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ata/2011109 | |
Publié en ligne | 8 juin 2011 |
Article court / Short article
Le bisphénol A (BPA) : le prochain scandale sanitaire pourra-t-il être évité?
Bisphenol A (BPA): can the next health scandal be avoided?
1
Université Rennes 1, 10 allée de la Rivière, 35760
Saint Grégoire,
France
2
X-Pertise Consulting, 67025
Oberhausbergen,
France
⋆ Correspondance : Jean-Pierre Anger,
jean-pierre.anger@wanadoo.fr
Reçu :
30
Mars
2011
Accepté :
18
Avril
2011
Objectifs : Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse retrouvée dans les revêtements de différents récipients à usage alimentaire (boîtes de conserve, canettes, bouteilles plastique ou biberons, par exemple). Par chauffage au four à micro-ondes ou dans un lave-vaisselle, le BPA est libéré et peut migrer dans l’aliment placé au contact de l’emballage. Bien qu’il possède une faible activité œstrogénique, le BPA est suspecté d’être un « perturbateur endocrinien », comme le fut un médicament de structure très proche : le diéthylstilboestrol ou Distilbène®, utilisé après la Seconde Guerre mondiale chez les femmes enceintes pour consolider leur grossesse et qui entraîna un certain nombre d’anomalies génitales chez leurs enfants et petits-enfants parvenus à l’âge adulte. Méthodes : Les auteurs se proposent de faire le point sur les acquits toxico-cinétiques et toxicologiques concernant le BPA, ses effets suspectés chez l’homme ainsi que les études analytiques permettant d’estimer le niveau de l’imprégnation de la population en général. Résultats : Massivement produit dans le monde et dispersé dans l’environnement depuis plusieurs années, le BPA est couramment retrouvé dans l’organisme d’une large majorité de la population, quel que soit l’âge. Les premières études de toxicité expérimentales menées chez le rat et la souris n’ont pas mis en évidence d’effets significatifs à court ou à long terme. Cependant des travaux récents montrent que le BPA peut induire une puberté précoce, des altérations de l’utérus, du vagin et de l’ovaire chez les animaux femelles tandis que, chez les mâles, on peut observer des effets sur l’appareil génital (hypotrophie testiculaire, hypertrophie prostatique...) et sur la fertilité. Les mesures effectuées dans le sang, l’urine, le lait maternel et autres tissus indiquent que plus de 90 % des personnes vivant dans les pays occidentaux sont exposés au BPA, notamment les enfants. Dans son récent rapport rédigé en 2010, l’INSERM estime que l’homme adulte ingère en moyenne, par le biais de son alimentation, 0,03 μg de BPA/kg de poids corporel et par jour. De son côté, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) considère, d’après les données de la littérature, que l’exposition des nourrissons résultant à la fois du biberon et de l’emballage du lait maternisé se situerait entre 0,2 et 2 μg de BPA/kg de poids corporel et par jour, soit 10 à 100 fois plus qu’un adulte. Ces valeurs restent toutefois bien inférieures à la DJA fixée à 50 μg/kg de poids corporel et par jour en 2007 par l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA). Conclusion : Comme le souligne l’INSERM, il est très difficile de transposer les résultats de toxicité expérimentale à l’homme car trop peu d’études épidémiologiques ont évalué à court et à long terme, les effets d’une exposition au BPA sur la fonction de reproduction. Ces études constituent des « signaux d’alerte » dont il serait dangereux de ne pas tenir compte à l’avenir. En vertu du principe de précaution bien cher à nos institutions et sur recommandation de l’AFSSA, le Sénat puis l’Assemblée nationale, ainsi que la CEE viennent d’interdire récemment en France la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du BPA.
Abstract
Objectives: Bisphenol A (BPA) is a synthetic chemical, found at the surface of numerous food containers, including cans, cans of food, plastic bottles, babies’ bottles...). When heated in a microwaves oven or in a wash dishes, BPA can be volatilized and can be in contact with food. Although the compound has a low œstrogenic activity, it is considered as an endocrine modifier as was diethylstilbestrol, a close pharmaceutical which was used after the second world war in pregnant women. This latter drug was responsible of numerous genital troubles once the children became adults. Methods: This review presents data dealing with BPA toxicity and analytical studies allowing its determination in the general population. Results: More than 3 million tons are produced each year, part of it being displayed in the environment since many years. Irrespective of the age, BPA is detectable in the human body. It is considered that about 90% of the western population is exposed to BPA, particularly children. Controversial results were obtained in animals (rat, mice). Anatomical changes of the genital organs have been observed, both in males and females. Conclusion: According to a recent report from INSERM, it is considered that an adult ingests via food about 0.03 μg of BPA per kg of body weight per day. In babies, according to AFSSA, the daily dosage varies from 0.2 to 2 μg of BPA per kg of body weight per day, something 10 to 100 times higher than an adult. However, this amount is far from the daily acceptable dosage, established in 2007 at 50 μg of BPA per kg of body weight per day. At this time, it is difficult to have a clear picture about the toxicity of BPA in humans. However, based on the precautionary principle, both French Assemblies (Sénat, Assemblée nationale) and the EU have banned the manufacturing and the marketing of BPA containing babies bottles.
Mots clés : Bisphénol A / plastiques alimentaires / risques toxiques
Key words: Bisphenol A / plastic food / toxic hazards
© Société Française de Toxicologie Analytique 2011